Par une décision en date du 12 septembre 2018, Inédit au Recueil, le Conseil d’Etat rappelle que les chargés d’enseignement ne sont ni titulaires d’un contrat à durée indéterminée, ni bénéficiaire d’un droit au renouvellement de leur contrat (CE, 12 septembre 2018, n° 400453) en dépit des mesures visant à prévenir l’utilisation abusive des CDD par le droit de l’Union européenne.

En l’espèce,  Mme B, chargée d’enseignement en expression française au sein du département de langues étrangères appliquées (LEA) de l’université de Pau et des Pays de l’Adour de l’année universitaire 1987-1988 jusqu’à l’année universitaire 2011-2012, soit un peu de moins de 25 ans, a par deux courriers des 6 mai 2010 et 26 juin 2012, demandé au président de l’université que lui soit reconnu le droit à un contrat à durée indéterminée.

Après que deux décisions implicites de rejet soient nées du silence gardé sur ses demandes, Mme B a, par ailleurs, été informée par un courrier du 25 juin 2012 de la directrice du département LEA qu’aucun enseignement ne lui serait confié au cours de l’année universitaire 2012-2013.

Elle a donc demandé au tribunal administratif de Bordeaux l’annulation de ces trois décisions.

Aux termes d’une procédure infructueuse, elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 7 avril 2016 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d’annulation précitée.

C’est l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler qu’aux termes de l’article L. 952-1 du code de l’éducation, relatif aux différentes catégories de personnel enseignant des universités que « Sous réserve des dispositions de l’article L. 951-2, le personnel enseignant comprend des enseignants-chercheurs appartenant à l’enseignement supérieur, d’autres enseignants ayant également la qualité de fonctionnaires, des enseignants associés ou invités et des chargés d’enseignement. / Les enseignants associés ou invités assurent leur service à temps plein ou à temps partiel. Ils sont recrutés pour une durée limitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. / Les chargés d’enseignement apportent aux étudiants la contribution de leur expérience ; ils exercent une activité professionnelle principale en dehors de leur activité d’enseignement. Ils sont nommés pour une durée limitée par le président de l’université, sur proposition de l’unité intéressée, ou le directeur de l’établissement (…) ».

Or, « les contrats par lesquels Mme B  s’était vu confier chaque année, entre 1987 et 2012, par décision du président de l’université, un enseignement rémunéré sur vacation, l’étaient en qualité de chargée d’enseignement ».

Pourtant, le droit de l’Union européenne, plus particulièrement la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, impose aux Etats-membres, afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, d’introduire d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

– des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

– la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ;

– le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

Il s’agissait dès lors d’apprécier la compatibilité de l’article L. 952-1 du code de l’éducation avec les objectifs de la directive du Conseil du 28 juin 1999.

A cet égard, le Conseil d’Etat va considérer « que la cour a pu, sans erreur de droit et par un arrêt suffisamment motivé sur ce point, juger que les dispositions de l’article L. 952-1 du code de l’éducation, qui prévoient la conclusion de contrats à durée déterminée pour une activité d’enseignement par laquelle les titulaires apportent aux étudiants la contribution de leur expérience professionnelle extérieure à l’université, ne sont pas incompatibles avec les objectifs de la directive du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ; qu’elle n’a pas davantage entaché son arrêt de contradiction de motifs ; »

Ensuite et s’agissant de la décision de ne pas confier d’enseignements pour l’année 2012/2013 à Mme B, le Conseil d’Etat rappelle que cette dernière :

  • « n’était ni titulaire d’un contrat à durée indéterminée ni réputée titulaire d’un tel contrat, mais seulement bénéficiaire d’un contrat limité à l’année universitaire 2011/2012, la décision refusant de lui confier des enseignements pour l’année universitaire 2012/2013 ne constituait pas une mesure de licenciement » ;
  • et qu’ « un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement de son contrat que, toutefois, le refus de renouvellement d’un tel contrat ne peut se fonder que sur un motif tiré de l’intérêt du service».

Pour en conclure que :

« Mme B…faisant seulement état de la qualité de ses interventions durant vingt-cinq ans et de la circonstance que ses enseignements n’avaient été repris par aucun enseignant titulaire, aucun élément sérieux n’était de nature à établir l’existence d’un intérêt du service à maintenir son enseignement, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ; qu’elle n’a pas davantage entaché sur ce point son arrêt de contradiction de motifs ou d’erreur de droit ».

Le pourvoi de Madame B… est rejeté.

CE, 12 septembre 2018, n° 400453, inédit