C’est sur le principe de la liberté que sont fondés deux jugements rendus le 11 octobre 2019 par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise (n°1904283 et 1905643).

Ils prononcent tous deux l’annulation des arrêtés pris, d’une part, par le Maire de Bagneux et, d’autre part, par le Maire de Gennevilliers, qui subordonnaient à la justification d’une solution de relogement le droit d’expulser, en exécution d’une décision de Justice, les locataires du logement qu’ils occupaient sans titre.

Ainsi donc, le bailleur ne pouvait espérer se séparer d’occupants indélicats, mais « de bonne foi », à l’encontre desquels il avait obtenu une décision de Justice sans d’abord procurer à ces derniers… un logement.

On peut s’interroger sur la logique présidant à un tel dispositif. En effet, il revenait à décourager d’exécuter toute expulsion et à encourager le maintien dans les lieux occupés même sans titre…et sans paiement d’un loyer.

Si la protection de la personne vulnérable était indubitablement l’objectif recherché, le bailleur créancier en devenait le bienfaiteur involontaire, alors qu’il appartient à l’Etat de garantir un droit au logement opposable et un droit à l’hébergement opposable.

Par ailleurs, le propriétaire bailleur peut lui-même se trouver privé de moyens de subsistance décents dès lors qu’il ne perçoit plus de loyers, et en même temps dans l’impossibilité de relouer son bien, encore occupé, irrégulièrement de surcroît.

Plus généralement, la question posée au tribunal amenait, comme souvent en matière de libertés publiques, à déterminer laquelle de deux libertés devait, le cas échéant, prévaloir sur l’autre et si la préservation des deux était compatible : droit à la dignité de la personne humaine et droit de propriété.

Le tribunal a considéré que de tels arrêtés étaient de nature à faire obstacle à l’autorité du juge judiciaire, à qui il appartient seul de trancher, à l’issue d’un débat contradictoire, si une expulsion peut ou non être prononcée. Il annule sur ce fondement l’arrêté du maire de Gennevilliers.

Il a également considéré, s’agissant de l’arrêté du Maire de Bagneux, que même si l’obligation de relogement ne serait pas imposée au bailleur mais au Préfet, le maire ne tirait d’aucun texte le droit d’ériger une telle condition et de contraindre le Préfet à n’agir que sous une telle réserve. Il annule sur ce fondement l’arrêté du maire de Bagneux.

On doit néanmoins reconnaître, dans ce dernier cas, l’inventivité juridique mobilisée pour tenter de donner au droit au logement ou à l’hébergement opposables, dont la mise en œuvre incombe au Préfet, une consistance concrète. Cette tentative mériterait que le législateur s’en empare et, le moment venu, renforce les modalités d’application de la solidarité nationale à ce titre. Ainsi, l’Etat serait le débiteur de droit et de fait de l’obligation de solidarité à l’égard des plus démunis, sans que soient pris en otage les bailleurs confrontés bien malgré eux à ces situations d’infortune.