Le jugement ici commenté donne une illustration de l’examen de légalité mené par le juge administratif sur une décision de préemption communale.

 

Pour rappel, une décision de préemption doit répondre à trois conditions (art. L. 210-1 du code de l’urbanisme) :

  • La décision de préempter doit être motivée par une action ou une opération,
  • Le titulaire du droit de préemption doit démontrer la réalité de l’action ou opération (consistance, antériorité, etc.),
  • L’action ou l’opération doit répondre à un intérêt général suffisant.

 

Depuis l’arrêt Commune de Meung-sur-Loire (CE, 7 mars 2008, n°288371), le Conseil d’Etat a allégé son contrôle sur les décisions de préemption en estimant que la justification d’un simple projet d’action ou d’opération permettait de justifier le recours à la préemption.

 

Néanmoins, le titulaire du droit de préemption doit justifier la réalité de son action ou opération d’intérêt général, en produisant des documents antérieurs à la décision permettant d’attester à la fois de l’importance et de l’existence concrète de ce dernier.

 

En l’espèce, Madame A. avait déclaré l’acquisition d’une petite parcelle juxtaposant sa propriété, laquelle se trouvait à côté d’une sente (= petit chemin). La Commune, ayant eu connaissance de ce projet, a décidé de préempter ce terrain, justifiant d’une politique de réhabilitation des sentes.

 

Le Cabinet, défendant Madame A, a alors formé un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la décision de la Commune démontrant qu’aucune action, ni opération d’intérêt général ne justifiait cette décision de préemption.

 

Le Tribunal administratif de Versailles, se prononçant contre l’avis de son Rapporteur public, fait rare et qui souligne l’intérêt de la plaidoirie de l’Avocat, a fait droit à notre argumentation en jugeant que :

  • La Commune n’avait pas démontré la réalité de sa politique municipale en faveur des sentes en se bornant à renvoyer à de simples documents municipaux (programmes de l’équipe municipale, bulletins municipaux), lesquels ne faisaient état que de deux opérations de débroussaillage et d’élagage de deux sentes sur les trente existants sur le territoire,

 

  • La préemption ne répondait pas à un intérêt général suffisant dès lors que juste après le terrain exproprié, la sente s’élargissait, permettant l’installation d’une aire de repos sans que l’expropriation ne soit nécessaire.

 

En fin de compte, c’est l’insuffisante consistance de l’opération de réhabilitation des sentes en cause, doublée de son inutilité apparente compte tenu de la configuration des lieux qui ont conduit la formation de jugement à prononcer l’annulation de la décision de préemption communale litigieuse.

 

(Tribunal administratif de Versailles, 20 novembre 2018, n° 1503756)