Classiquement, les biens dont les personnes publiques sont propriétaires relèvent du domaine public. Ces biens sont « soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public » (art. L.2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques).

On l’ignore parfois mais les personnes publiques sont également propriétaires d’un domaine privé, c’est-à-dire de biens qui se remplissent pas les conditions prévues par cet article.

Les règles qui président à la gestion du domaine public sont plus strictes que celles qui président à la gestion du domaine privé, ce dernier relevant pour l’essentiel des dispositions du droit commun, lesquelles s’appliquent au patrimoine de toute personne privée.

Une commune a saisi le cabinet en urgence d’une situation d’occupation sans titre de son domaine privé. Alors qu’elle avait conclu un bail avec l’exploitant d’un établissement recevant du public, celui-ci occupait le bien objet du bail mais débordait également sur des parcelles voisines, appartenant elles aussi à la commune, pensant probablement que ce bien appartenait à tous et se prévalait d’un « bail verbal » sur ces parcelles, faute de contrat écrit. Deux mises en demeure de libérer les lieux étaient restées sans suite.

C’était méconnaître le droit de propriété, qu’une commune peut et doit revendiquer, qu’ils s’agisse de son domaine public ou de son domaine privé.

Nous avons donc saisi, le 22 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire d’une assignation à fins d’expulsion. (Pour rappel, la même procédure existe pour le domaine public devant le juge des référés du tribunal administratif.)

Par une ordonnance du 15 septembre 2022, le juge des référés a ordonné l’expulsion dans un délai de 8 jours, sous une astreinte de 500 € par jour de retard en retenant : « La commune n’ayant pu faire respecter sa propriété malgré son courrier du 31 mai 2022 et sa mise en demeure adressée le 16 juin suivant et faisant état de l’occupation de berges de la Seine sans autorisation, de troubles répétés à l’ordre public, de raccordement sur les canalisations en eaux et d’absence d’issue de secours, il y a lieu de rejeter la demande de report (…) et au contraire d’assortir la présente décision d’une astreinte de 500 euros par jour de retard ».

Le juge a enfin autorisé le concours de la force publique pour faire exécuter son ordonnance, dont on espère  qu’il ne sera pas nécessaire.

Le juge judiciaire, dont les personnes publiques sont généralement peu familières, a su ici faire preuve à la fois de pragmatisme et d’efficacité, en rendant une décision conforme à l’intérêt de la commune, c’est-à-dire, bien qu’il s’agisse du domaine privé, à l’intérêt public.