Un journaliste avait demandé au Maire de Paris la communication des notes de frais et des reçus des déplacements, des notes de frais de restauration ainsi que des reçus des autres frais de représentations engagés par la maire de Paris et les membres de son cabinet au titre de l’année 2017.
 
Le Maire de Paris s’était implicitement opposé à cette demande en n’y répondant pas. Elle avait ensuite défendu, devant le juge, son refus implicite sur des motifs tenant à la protection de la vie privée : celle du premier magistrat de la commune et des membres de son cabinet, d’abord, et celle des personnes invitées au restaurant ou en déplacement, ensuite.
 
Mais ni la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), dans son avis du 12 juillet 2018, ni le Tribunal administratif de Paris, dans son jugement du 11 mars 2021, ni enfin le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 8 février 2023 (n°452521) n’a considéré que de tels motifs pouvaient valablement et légalement faire échec au droit d’accès aux documents demandés.
 
Si cette position peut paraître sévère, elle n’en est pas moins compréhensible en droit, dès lors qu’on admet qu’une note de frais est bien un document administratif communicable, ce qui est le cas.

En effet, il faut rappeler que l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration dispose que :  » Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions (…)« . 
 
La loi fixe donc un principe qui est l’accès aux documents administratifs.

Sur le fondement de ces dispositions, dans son arrêt du 8 février 2023, le Conseil d’Etat a jugé, dans un premier temps, que des notes de frais et reçus de déplacements ainsi que « des notes de frais de restauration et reçus de frais de représentation d’élus locaux ou d’agents publics constituent des documents administratifs, communicables à toute personne qui en fait la demande« .
Il a considéré, dans un second temps, que « la communication des documents demandés, qui ont trait à l’activité de la maire de Paris dans le cadre de son mandat et des membres de son cabinet dans le cadre de leurs fonctions, ne saurait être regardée comme mettant en cause la vie privée de ces personnes. En outre, contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, la communication des mentions faisant le cas échéant apparaître l’identité et les fonctions des personnes invitées ne porte pas davantage atteinte, par principe, à la protection de vie privée de ces autres personnes ».
 
Le Conseil d’Etat consacre donc le caractère communicable de ces documents.
 
Il tempère enfin sa position en rappelant qu’il appartient à l’autorité administrative d’apprécier au cas par cas si la demande de communication ou celle du motif de la dépense risque de porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, justifiant alors leur occultation.
 
Pour rappel, la loi aménage des exceptions à l’obligation de transparence lorsque sont en jeu notamment des intérêts supérieurs tels que le secret des délibérations du Gouvernement, de la défense nationale, de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’Etat, et de la sécurité publique. Elle protège enfin le secret dû aux personnes physiques ou morales tels que le secret médical et le secret des affaires.
 
Il y a donc lieu, compte tenu de ce régime, de toujours être en mesure de justifier, d’une part, le lien qu’une dépense supportée par une collectivité locale doit avoir avec ses intérêts directs et de veiller, d’autre part, au cas où la communication du justificatif de la dépense risquerait d’emporter la violation d’un intérêt ou d’un secret protégé par la loi, à la présentation matérielle de ce justificatif, qui doit pouvoir être communiqué à première demande sans occultation de préférence ou après occultation le cas échéant.