Paris, 18ème arrondissement : non loin du célèbre quartier touristique de Montmartre, décor idyllique de nombreux films, c’est un autre scénario qui se joue dans un autre quartier du même arrondissement, situé à proximité.

En particulier, dans un secteur piétonnier de ce quartier, des résidents las, constatent une chaussée et des trottoirs encombrés en permanence par des étalages installés sans autorisation.

Les nuisances et troubles importants subséquents subis de ce fait, conduisent l’association La Vie Dejean, dont l’objet est la défense des intérêts des résidents, à solliciter la condamnation de l’Etat et de ville de Paris pour carence fautive dans l’exercice de leurs missions de maintien de la sécurité et de la salubrité publiques.

Par un jugement en date du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Paris retient une carence fautive du préfet de police, pris en qualité d’autorité municipale en matière de sécurité ainsi qu’une carence fautive du maire de Paris en matière de maintien de la salubrité publique.

Il condamne alors la ville de Paris à verser à l’association La Vie Dejean la somme de 3 000 euros, dont 2 000 euros au titre de la carence du préfet de police dans ses missions de protection de la sécurité et de la tranquillité publiques et 1 000 euros au titre de la carence du maire de Paris dans ses missions de maintien de la salubrité publique.

Le préfet de police et la mairie de Paris interjettent appel de ce jugement.

Toutefois, par un arrêt en date du 18 avril 2017, la cour administrative d’appel de Paris rejette leurs appels.

Ces derniers forment alors un pourvoi cassation devant le Conseil d’Etat.

Celui-ci, par un arrêt du 9 novembre 2018, relève que le juge d’appel a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, estimer que les mesures prises par le préfet de police et par la maire de Paris pour prévenir les troubles à l’ordre public et pour améliorer la salubrité publique, « ne pouvaient être regardées comme appropriées eu égard à l’ampleur et à la persistance des problèmes ».

Par suite, il a considéré qu’il y avait lieu de retenir une carence fautive de nature à engager la responsabilité de la ville de Paris, conformément à ce qu’ont jugé les juges du fond.

A cet égard, le Conseil d’Etat a précisé : « qu’en se bornant à rappeler que les difficultés de l’activité de police administrative n’exonéraient pas les services compétents de leur obligation de prendre des mesures appropriées, réglementaires ou matérielles, pour que les usagers de la voie publique bénéficient d’un niveau raisonnable de sécurité et de salubrité, elle [la cour administrative d’appel de Paris] n’a pas, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, fait peser sur les autorités de police une obligation de résultat ; qu’elle n’a par ailleurs pas commis d’erreur de droit en ne subordonnant pas la responsabilité de la ville de Paris en matière de respect de la sécurité et de la salubrité publiques à l’existence d’une faute lourde de sa part ».

Par suite, il a jugé que les carences du préfet de police et du maire de Paris engendraient des troubles à l’ordre public qui portaient directement atteinte à l’objet social de l’association requérante.

En conséquence, il a condamné la ville de Paris à réparer le préjudice moral subi par l’association.

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle et met ainsi en exergue que, même non tenues d’une obligation de résultat en matière de sécurité et de salubrité publique, la responsabilité des autorités de police peut néanmoins être engagée en cas de carence constatée de ces dernières, et qu’à cet égard, il n’y a pas lieu de subordonner leur responsabilité à l’existence d’une faute lourde.

 

CE, 9 novembre 2018, req. n° 411626, 411632